Red Dead Redemption II
PS4, Xbox One, PC
Première sortie : 2018
Test effectué sur PS4, jeu en 1.27
*** L'Histoire ***
Petit retour en arrière en 2010 pour se souvenir de
Red Dead Redemption premier du nom. On y suivait, en 1911, les aventures de John Marston, un ancien du gang de Dutch Van Der Linde qui avait été laissé pour mort par ses alliés, et qui était forcé par des agents gouvernementaux à pourchasser certains de ses anciens amis pour sauver sa famille. Cela conduisait d’ailleurs à l’un des finals les plus mémorables et émouvants du jeu vidéo.
Red Dead Redemption 2 a eu la bonne idée d’être une préquelle située en 1899, racontant la dislocation du gang Van Der Linde, et notamment, l’incident au cours duquel John sera abandonné par les siens. Cette fois-ci, nous incarnons Arthur Morgan, l’un des piliers du gang et fils adoptif de leur chef, Dutch Van Der Linde.
Après un braquage raté et sanglant à Blackwater, toute la bande a fui vers l’Est, pourchassée par les agents de l’agence Pinkerton (l’ancêtre du FBI). Avec l’espoir de pouvoir se faire oublier et sauver les membres qui restent, Arthur, Dutch et Hosea (le bras droit de Dutch) espèrent mettre le plus de distance possible entre eux et Blackwater. Mais pour cela, le groupe aura besoin d’argent, de beaucoup d’argent…
Le scénario du jeu est extrêmement travaillé, et formidablement trompeur. Si au début, on peut être agacé par ces hors-la-loi se plaignant des rigueurs de la chasse donnée par les Pinkerton suite à leurs mauvais coups, on se rendra très vite compte que cette espèce d’hypocrisie affichée est volontaire, afin de créer davantage de décalage avec la lente réalisation d’Arthur que le chemin qu’il suit n’a jamais été le bon, et que son chef et père adoptif Dutch sombre en réalité de plus en plus dans la folie et la paranoïa. Chaque personnage est finement écrit, complexe, anti-manichéen au possible, bien que certains membres secondaires du groupe aient moins l’occasion de briller que d’autres et restent trop en retrait, ce qui était inévitable au vu de leur nombre. On y trouve notamment un des meilleurs portraits de femme du jeu vidéo (Sadie Adler, juste géniale je trouve), et un John Marston incertain et un peu perdu en jeune père toujours plus attachant.
Ceci étant dit, après un démarrage longuet et poussif durant les 3 premiers chapitres, on sent l’histoire véritablement décoller et il sera vraiment difficile de lâcher la manette durant le dernier chapitre du jeu (le 6), et de très nombreuses scènes et missions seront marquantes et resteront en mémoire.
Les cu-scenes bénéficient d’une réalisation impeccable, riche en détails et angles recherchés, communiquant parfaitement les émotions, les tensions ou les joies des acteurs à l’écran. Le jeu arrive même à avoir un final aussi marquant que celui de l’opus précédent, même s’il est davantage prévisible, et à ne pas trop avoir d’incohérences non plus (ce qui n’était pas évident à faire).
*** Le Gameplay ***
En soit,
Red Dead Redemption 2 ne change pas la formule appliquée dans
Red Dead Redemption, en conservant presque tout son gameplay et se contentant, finalement, de le développer et d’y ajouter des couches supplémentaires.
On se retrouve face à un jeu de tir à la troisième personne en monde ouvert où les combats tiendront une place importante : les gunfights sont nombreux, souvent contre des hordes d’ennemis, et avec les dégâts localisés sur les ennemis, et un système de couverture manquant parfois de précision, mais offrant une certaine variété de situations malgré tout. Quelques possibilités d’approche discrète ou de combat à mains nues existent, mais ne sont guère convaincantes, et encore moins possibles dans la grande majorité des missions.
Pour permettre le combat, vous aurez le loisir de choisir parmi une bonne trentaine d’armes variées : pistolets, revolvers automatiques, fusils, fusils sniper, dynamite, couteau, arc… Vous pourrez les looter ou mieux, les acheter en boutique, et en prime, les personnaliser à votre guise et choisir parmi 5 types de cartouches aux effets différents. Sans oublier de les entretenir pour conserver leur efficacité, car elles se saliront au fil du temps. Vous trouverez donc forcément chaussure à votre pied pour trouver l’arme adaptée à votre façon de jouer, ou encore pour chasser (chaque type de gibier réclamant une certaine puissance de feu pour être tué de façon propre et le moins dommageable pour la fourrure).
On retrouve également les chevaux, dans un rôle plus prononcé. Vous pourrez toujours capturer des chevaux sauvages, en voler, ou en acheter dans des étables, mais cette fois, un véritable lien peut se créer avec l’animal. Vous pourrez conserver seulement 4 chevaux en écurie (ce qui est misérablement peu) parmi les 19 races existantes (chacune dans plusieurs variations de robe et réparties en 7 catégories), mais en contre-partie, vous pourrez customiser leur équipement pour l'aspect esthétique et gagner des bonus (selle, pommeau de selle, étriers… ), obtenir un plus grand inventaire, choisir le style et la couleur de leurs crins, veiller à leur bonne santé (en les nourrissant, les pansant et en surveillant leur endurance), et en renforçant votre lien d’amitié avec votre monture.
En effet, désormais les chevaux ont une jauge d’amitié en 4 niveaux, qui permettra de renforcer leur jauge d’endurance, leur vie, leur obéissance, et d’acquérir 4 mouvements de dressage parfois utiles en combat, ou pour amuser la galerie surtout. Un cheval avec lequel vous aurez plus d'affinité sera moins facilement effrayé dans les situations stressantes (combats ou attaques de prédateur), et répondra plus vite à votre appel ; certains d'entre eux pourront même venir vous défendre contre un animal agressif ou désarçonner un voleur qui aurait osé tenter de vous voler votre Bucéphale adoré. Sans compter que chacune des 7 catégorie de chevaux aura des paramètres différents de vitesse, santé, endurance, résistance à la peur, ce qui en prédispose certaines à des tâches plus spécialisées que d'autres : par exemple pour la chasse, mieux vaut embarquer un cheval courageux qui ne se sauvera pas au moindre bout de queue de loup aperçu ; pour les défis de vitesse, les chevaux les plus rapides seront indispensables. Les canassons existent également en mâle et femelle, mais sans réelle différence entre les sexes hormis le petit détail physique auquel vous êtes en train de penser, petits coquin(e)s !
Avec toutes ces nouveautés autour de votre moyen de transport principal, qui est également nanti de sa propre IA, vous serez rapidement amené à considérer votre Jolly Jumper comme une extension de votre personnage, qui vous manquera cruellement quand il sera hors de votre portée. C’est l’une des grandes réussites du jeu ! Au point d'en faire régulièrement oublier les diligences et les trains permettant de voyager entre les villes (vous pouvez faire du stop aussi), ou même le voyage rapide depuis le camp principal (via une amélioration à acheter en versant au pot commun de la bande), ou depuis le camp temporaire d'Arthur (cette dernière possibilité étant possible seulement depuis la mise à jour 1.13, comme le Mode Photo libre).
En dehors de cela, votre personnage est entouré de tout un tas de nouveautés et/ou d’améliorations du gameplay de
RDR premier du nom : ainsi, Arthur pourra se transformer en poupée Barbie grâce aux dizaines de pièces de vêtements et d’équipements disponibles (à acheter, trouver ou crafter), notamment pour affronter le froid de certains zones (ou leur chaleur) qui inflige un malus. Ses cheveux et sa barbe pourront également pousser et recevoir plusieurs styles différents selon vos préférences. Il sera également capable de monter un camp dans la nature pour y cuisiner, crafter, se reposer, et via une mise à jour, se téléporter vers une autre destination : car en effet, maintenant le héros dispose de 3 jauges à surveiller de près.
Il s’agit de la jauge de vie, d’endurance et de Dead Eye, qui est toujours présent et permet toujours de ralentir le temps pour marquer des cibles. Vous devrez veiller à garder les jauges pleines (surtout leurs « cœurs » qui est en gros la réserve de sécurité) en mangeant, prenant des toniques ou en vous reposant, car sinon l’efficacité de notre héros sera diminué (idem s’il devient trop maigre ou trop gros).
On aurait pu craindre que le système soit punitif mais en réalité, pas tant que ça : la diminution des jauges (comme de celles de votre cheval ou l’encrassement des armes) est très progressif, et il est même possible d’ignorer cet aspect complètement sans être vraiment bloqué. On peut dire que c’est un peu artificiel, mais on appréciera d’avoir un moyen d’avoir un petit bonus sans trop d’effort, et qui contribue au caractère réaliste du titre.
On peut également citer le Carnet d’Arthur, un chouette ajout purement optionnel mais qui se révèle tellement inutile qu'il en devient indispensable. Arthur notera ses aventures et ses trouvailles (notamment les Easter Eggs) dans son carnet tout au long de l’aventure, ce qui offre un point de vue inédit sur ses pensées. On se pique vite au jeu de voir ce qu’il a griffonné dans son carnet après une rencontre marquante, surtout qu’on y retrouve des éléments parfois datant d’avant le début de l’aventure, ou qui détaillent un peu plus ce qui vient d’arriver. On appréciera d’ailleurs quelques clins d’œil au premier jeu, et à
Red Dead Revolver.
Un autre élément capital de
Red Dead Redemption 2 sera le camp du gang. Vous pourrez y croiser les autres personnages, y obtenir des missions, mais également y effectuer des tâches quotidiennes, des mini-jeux, ou simplement participer à en améliorer le confort en y déposant ressources et argent, pour débloquer des objets et des possibilités supplémentaires. Le camp sera véritablement votre foyer et y passer du temps vous permettra d’en apprendre beaucoup sur les différents membres de la bande et de vous y attacher. C’est une excellente idée, très efficace en terme d’ambiance, et qui contribue à renforcer l’histoire puisque l’ambiance, et les interactions entre membres, y évolueront en parallèle de l’histoire principale. Vous aurez d’ailleurs la surprise de voir des membres du gang venir prendre des nouvelles si vous en restez éloigné pendant trop longtemps, ou de vous prendre une droite si vous vous amusez à insulter vos compatriotes de galère !
Car un système qui fait se retour est également celui de l’Honneur, et de la conversation avec n’importe qui, sur un ton agressif ou amical. Le système est tout de même assez bancal à cause de l’énorme susceptibilité des gens dans le jeu : je n'ai sérieusement jamais vu dans un jeu vidéo des gens aussi stressés de la vie et prompts à vous trouer les fesses de plombs parce que vous vous êtes approchés à moins de 20 mètres d'eux. Vous aurez ainsi régulièrement la surprise de voir une situation normale dégénérer en 2 minutes chrono parce que vous êtes rentré dans quelqu'un par accident, ou parce que vous pensiez dire bonjour à un campeur comme dans
Red Dead Redemption, sans savoir que 90 % des campeurs sont des réincarnations du Grinch dans cet univers. Mais à côté de ça, dans l'idée générale, il soutient également en partie le scénario mis en place autour d’Arthur, car clairement, l’Honneur positif est récompensé (alors que le Déshonneur n’apporte aucun plus), et le jeu attend donc de vous un bon comportement. Vous aurez ainsi des réductions dans les magasins, des tenues bonus, des taux d’apparition d’objets à piller plus importants et accès à quelques missions bonus quand vous engrangerez des niveaux d’Honneur élevés, en effectuant de bonnes actions (libérer un poisson pêché, abrégé les souffrances d'un animal blessé...) ou en étant amical avec les gens (effectuer les tâches du camp ou y contribuer, saluer les gens, leur dire des trucs sympas, aider dans les rencontres aléatoires qui vous laissent le choix...).
Enfin, nous retrouvons les possibilités qui existaient déjà dans l’opus précédent : de nombreux journaux et documents à lire, de nombreuses rencontres aléatoires (parfois comiques, parfois effrayantes) avec ou sans récompenses, des gangs dont les repaires peuvent être attaqués, des cinémas où regarder des films amusants, parfois des feux de camps où un étranger vous invitera à vous asseoir, des mini-jeux comme les dominos (mais moins nombreux qu’avant), des chasses à la prime plutôt sympathiques, des chasses au trésor compliquées, la cueillette de nombreuses plantes ou la chasse…
Cette dernière activité est d’ailleurs revue en complexité, comme la pêche nouvellement ajoutée. Grâce aux plus de 200 animaux différents existants, vivant chacun dans un environnement particulier, et pour les poissons, réagissant à différents appâts et conditions climatiques, vous aurez de quoi vous occuper si vous êtes intéressés. Les animaux notamment, existent en 3 qualités possibles, et la façon de les tuer déterminera l’argent dont vous pourrez en tirer ou les matériaux qui pourront permettre le crafting de tenues et amulettes spéciales. Certaines espèces sont particulièrement difficiles à traquer et les deux passe-temps pourront vous occuper sérieusement pendant 20 à 30 heures, selon votre chance et votre habilité. Et n’oubliez pas que le jeu vous punira pour tout acte de cruauté gratuite envers les bêtes !
En revanche, on pourra regretter la disparition de certaines activités, telle que le dressage de chevaux, de nombreux mini-jeux, bien que la richesse du reste compense largement ces absences. En soit, le jeu est très complet, axé réalisme à l’extrême, permettant à Arthur d’accomplir toute action qui semble logique d’être effectuée. Certains pourront ne pas apprécier ce léger aspect simulation ou la lourdeur que cela engendre au niveau de l’ergonomie, mais je trouve que ça participe également à rendre plus tangible le monde du jeu et ses personnages, plus crédibles. Ca participe à créer non pas une IA, mais une vraie "vie" artificielle.
*** Les Graphismes, les Musiques, l'Ambiance ***
S’il y a un point sur lequel tout le monde sera d’accord, c’est celui-là. N’ayons pas peur des mots,
Red Dead Redemption II est juste exceptionnel en terme de graphisme et d’ambiance. A ce jour, il est toujours le plus beau jeu jamais fait et le mètre étalon auquel doit se comparer tout nouveau jeu sorti en termes de décors, de physique et de vie artificielle.
Les textures sont riches, détaillées et variées, sublimées par des effets de lumière et des effets météo parmi les plus somptueux jamais vus. Les différentes régions ont toute une personnalité bien marquée et reconnaissables, avec une distance d’affichage vraiment impressionnante et très peu de doublons. Si l’on peut regretter que l’on ne puisse pas rentrer dans beaucoup de bâtiments, les quelques intérieurs dans lesquels on peut se hasarder sont de parfaites recréations des boutiques existant à l’époque, avec des publicités et des objets divers qui en reprennent également le style, de façon très réussie. Sans parler de l'écosystème, extrêmement riche : les animaux sont nombreux, avec leurs propres comportements individuels, en groupe ou entre espèces, dont la plupart sont inutiles d'un point de vue gameplay, mais qui contribuent à leur apporter une grande crédibilité, à donner l'impression "d'y être" réellement. Ils ont poussé le vice jusqu'à inclure la décomposition des cadavres, ça vous situe le niveau maniaque avec lequel Rockstar a réfléchi cette dimension de son titre.
On soulignera à ce niveau le travail véritablement bluffant sur le cheval : son IA individuel, ses multiples animations, son ressenti très "physique" quand vous le chevauchez et le dirigez, c'est juste du jamais vu avant. Pour un peu, on sentirait l'odeur de sueur après une course, à travers la manette ! On pardonnera du coup que chaque race n'ait pas un faisceau d'animations uniques, parce que le boulot que ça a dû représenter pour arriver à un seul ensemble de cette qualité est difficile à imaginer. Sérieusement, chapeau bas les mecs.
C'est sans conteste le jeu en monde ouvert avec la carte la plus vivante, crédible et riche en détails créée jusqu'à présent. Et qui récompense le joueur curieux en plus : un touriste pourra tomber sur des scènes cocasses, horribles ou poignantes au hasard de ses déambulations en poussant la porte d'une cabane ou en explorant un recoin de carte, parfois avec des histoires filées entre plusieurs lieux (de nombreuses histoires sont là juste pour l'ambiance), et jusqu'à présent, plus de 100 Easter Eggs et Secrets ont été découverts. Sans parler du bonheur du hors limite légale de la carte, inépuisable source de découvertes (c'est sans doute le jeu où il est le plus facile de franchir les barrières des développeurs, merci les remaniements brutaux en cours de développement). Les jeux en monde ouvert capables de vous donner l'impression que le monde virtuel où vous évoluez vit sans vous, n'attend pas votre présence pour exister, sont très rares, et
Red Dead Redemption 2 fait partie de ces quelques élus qui réussissent.
Les animations sont également à mentionner, si belles que personnellement j’utilise très rarement la vue première personne pour pouvoir me rincer l’œil. Que ce soit le cheval, les multitudes d’animaux, les PNJs ou Arthur, tous ont des mimiques, des petits gestes plein de naturel. Pour bien faire, le jeu est en plus doté d'une technique très solide : peu de bugs sont à signaler (du moins, les bugs chiants, pas ceux marrants que Rockstar s'entête à retirer), on remarquera très peu de clipping ou d'aliasing même lancé au grand galop, et l'affichage des textures est fait avec suffisamment de finesse pour qu'on ne remarque pas trop la ligne de démarcation entre "textures WOW" et "textures BEUH". C'est suffisamment appréciable et rare dans un monde ouvert, surtout d'une telle taille, pour être souligné.
Enfin, le moteur physique Euphoria continue à prouver qu’il est le meilleur du marché, avec une gestion du poids très crédible, ainsi qu’une multitude d’animations très fluides et d’interactions bien exécutées avec les objets et éléments de décor du jeu, des blessures vraiment gores, et même l’eau qui obtient un courant et une portance unique à chaque type de plan d’eau (lac, rivière, ruisseau ne réagissent pas de la même façon). Soulignons pour finir la neige du jeu, superbe et que seule celle de
The Last Of Us Part II (sorti en 2020) arrive à égaler (et même dépasser sur certains détails). Le jeu débutant dans une zone enneigée, il y a clairement eu un soin spécial apporté à cet élément.
Quant à la bande-son, elle est au diapason, reprenant le modèle de celle du premier opus. Vous aurez la plupart du temps une bande-son naturelle très bien reproduite, avec des bruitages de très grande qualité (l'orage ou la pluie notamment, plus vrais que nature), et seulement ponctuellement, des bribes de musiques viendront se faire entendre en complément, aux styles propres à chaque région. S'il y a des dizaines de vidéos d'ASMR sur le jeu sur Youtube, vous savez pourquoi...
Cela contribue à immerger dans le jeu, à se laisser imprégner par son ambiance unique. On peut citer à ce propos les quelques chansons qui résonnent à des moments-clés, et les soulignent parfaitement. Sans oublier les doubleurs anglais, si bons dans leurs rôles qu’ils en deviennent indissociables. On pourra seulement regretter à ce niveau que comme pour
GTA ou le premier
RDR, Rockstar n’ait pas jugé bon de nous livrer une VF intégrale ou une VOSTFR totale : de nombreux dialogues optionnels des PNJs restent non traduits, et lire des sous-titres en plein combat n’est vraiment, vraiment pas pratique, surtout qu’ils sont un peu petits.
Tout ceci en tout cas se rejoint pour constituer une immersion comme il y en a rarement eu en jeu vidéo. L’immense carte du jeu est captivante et très vivante, avec ses dizaines d’animaux qui interagissent entre eux, ses panoramas vertigineux, son héros qui s’y intègre sans aucune faute de goût. Oui, le jeu est lent. Oui, quantité de ses détails inutiles ont été mis là surtout pour figurer sur les Top 10 de Youtube. Oui,
Red Dead Redemption II en fait sans doute trop en roulant autant des mécaniques, sans que ça serve particulièrement son gameplay. Oui, le jeu n'est pas "fun". Mais tous ces points contribuent à immerger le joueur dans la bulle de ce monde virtuel qui est un décalque absolu du véritable monde, et en avoir un qui aurait été enlevé aurait sans doute diminué l’impact du jeu, aurait nuit à cette sensation incroyable d'être projeté d'un monde vivant, presque palpable, de l'autre côté de l'écran. Les artistes de Rockstar sont vraiment à saluer pour cet exercice d’équilibriste qui demandait un certain courage dans le parti-pris, et surtout, une quantité de travail qui a dû être faramineuse.
*** La Durée de Vie ***
Red Dead Redemption II peut se vanter d’avoir un contenu pantagruélique : 107 missions principales réparties sur 9 chapitres (un Prologue, 6 chapitres et un Epilogue en deux parties), 18 missions d’Inconnus en plusieurs parties, des dizaines de rencontres aléatoires possibles en promenade, 5 gangs dont vous pouvez nettoyer les planques, des missions de chasseur de prime, les Défis à 10 niveaux chacun à réussir pour débloquer des cosmétiques d’équipement, des améliorations de jauges et le 100 %, la chasse et la pêche qui sont des jeux dans le jeu, sans parler des mini-jeux disponibles ou des attaques diligence, des compendiums à remplir qui titillent l’esprit perfectionniste, des deux fins possibles avec chacune 2 variations… Il est généreux, très généreux, et faire le tour de toutes les activités vous prendra beaucoup de temps.
En soit, il faudra facilement compter une bonne quarantaine d’heures rien que pour voir le bout de l’aventure, et plus du double pour tout accomplir. Vous en aurez pour votre argent, et n’aurez pas à craindre de finir le jeu en un week-end. On peut simplement regretter que bien des missions semblent fragmentées dans la seule intention de les étirer artificiellement, et le rythme du jeu aurait sans doute gagné à en faire sauter quelques-unes.
A côté de ça, si votre curiosité vous pousse à explorer en dehors des limites de la carte, ou à vouloir en observer tous les détails, ou que vous jouez sur PC et avez accès aux mods, vous aurez pour ainsi dire un temps de jeu se comptant en centaines d’heures sans problèmes.
*** Les Défauts ***
Les défauts du titre sont assez nombreux et surtout, ils sautent aux yeux dès les premières minutes manette en main. C’est pour ça que l’on ressent bien souvent une déception lors des premières heures de jeu, comme ça a été mon cas.
Votre principal ennemi sera le dirigisme abusif des missions : elles se déroulent dans des couloirs assez étroits, et le jeu entend que vous les accomplissiez comme il l’exige. Sortez du couloir, faites une action non prévue, et ça sera le Game Over avec retour au début de la mission. Il est impossible d’improviser, de tenter la discrétion ou de mettre à profit la vaste carte. C’est un non-sens total ! Ajoutez à ça la maniabilité lourde, rigide et parfois imprécise du personnage, qui aura du mal à se mettre à couvert, cela rend les missions parfois frustrantes. Il arrive régulièrement qu’on fasse des fausses manipulations également, ou qu’on se retrouve sans arme en descendant de cheval à cause d’une ergonomie mal pensée.
Citons également un des points qui m’aura le plus agacée : le système économique totalement à l’ouest, où la valeur des produits dépassera de beaucoup ce que vous pourrez toucher, même en étant parfait dans les missions, la capture de chevaux ou à la chasse. C’est extrêmement injuste, surtout que le jeu est très généreux en objets achetables. De toute évidence, Rockstar a voulu que le joueur ressente le dénuement de la bande de hors la loi, mais forcer la main est juste criminel, surtout quand le jeu vous réserve en prime une dernière mauvaise surprise à ce niveau dans l’Epilogue. Les glitches d’argent infini aident sincèrement à prendre davantage de plaisir.
Sur un point plus personnel, j’ai beaucoup de mal également avec le passage du temps dans le jeu. Il est clairement accéléré par rapport à
RDR, ce qui rend certains phénomènes météorologiques ubuesques et certains moments de la journée gâchés : aube et crépuscule à proprement dit ne durent qu’une minute, la nuit ne dure que 15 minutes, la lune y bouge si vite que vous aurez l'impression de voir un projecteur (surtout qu'elle passe par toutes les phases à la fois), certains orages ne durent que quelques minutes, quand les parties de dominos durent in-game 3 jours ou certains magasinages des heures de jeu.
J'aurais également apprécié que les décors de l'Epilogue du jeu présentent plus de différences avec deux des chapitres principaux, car à deux-trois endroits près, il n'y a pas de différence. Dernier point personnel : les cimetières sont devenus trop sérieux. Non, restez, je sais que ça sonne bizarre, mais c'est juste que dans
Red Dead Redemption, les pierres tombales portaient des épitaphes vraiment fendards ou d'un humour noir génial. Ce n'est plus du tout le cas, c'est dommage.
Je regrette également deux endroits massacrés, d'une façon différente, mais sans doute pour la même raison : le manque de temps et la nécessité de finir enfin ce foutu jeu après tant de temps et de galère. Guarma est juste l'ombre de ce qu'elle était sensée être, un énorme gâchis qui laisse vraiment un goût très amer dans la bouche. Même sans savoir tout ce que les dataminers trouvent dans le code et qui montre l'ampleur de ce qui a été annulé/abandonné à son sujet, on ressent en jeu que l'île a été découpée à la serpe, avec un chapitre court, sans intérêt, sans rien de marquant et vite expédié, devenu quasiment inutile. Là où ça aurait dû être un tout nouvel univers à explorer, comme le Mexique du premier opus... A presque souhaiter qu'ils l'aient complètement retirée du jeu, plutôt que nous en laisser les miettes comme ça !
A l'autre bout du spectre, New Austin, la dernière région du jeu (et celle où se déroule
RDR 1), laisse aussi une impression mitigée. On aimera pouvoir s'y promener librement, on y trouve quelques activités, mais très clairement, elle a été rajoutée à la va-vite et elle a un contenu extrêmement limité. Cela laisse un sentiment de vide, de non exploitation de la zone, vraiment prégnant. Ca ne m'énerve pas autant que Guarma car c'est quand même mieux branlé, il y a quelques trucs à faire, mais quand même... On sent presque l'odeur du scotch pour faire tenir New Austin à la carte principale, alors qu'ils auraient pu rebondir davantage sur cette région, faire davantage de clin d'oeils "anticipateurs" à
RDR 1 qui est la suite chronologique de
RDR 2.
Enfin, on peut regretter l’abandon total du jeu solo au profit du mode online (comme pour
GTA V), ce qui a probablement été la raison du rythme temporel accéléré (les joueurs du online paient une redevance journalière pour leurs chevaux), et ceci alors que les innombrables contenus abandonnés du jeu laissaient de la marge pour bien des DLC, et le massacre subi par le chapitre de Guarma qui n’est plus qu’une coquille vide sans intérêt alors qu’il aurait dû constituer l’équivalent du Mexique du premier opus, et que l'île restaurée aurait justement pu fournir matière à un très gros DLC, réclamé par les joueurs en plus !
*** Conclusion ***
Devant prendre la suite de l’un des meilleurs jeux de tous les temps,
Red Dead Redemption II avait une énorme pression sur ses épaules, et son développement très compliqué étalé sur 8 ans et près d’un milliard de dollars de budget en est le meilleur témoin. Mais au final, alors que les premières heures sur le jeu peuvent sembler décevantes, tant le jeu nous bride et affiche avec indécence sa lenteur, ses testicules de chevaux réactifs au froid, et ses pixels en 12K 3D relief avec textures ultra réalistes pour faire bien sur le dossier de presse, on se surprend à ne pas arriver à lâcher la manette. A garder en tête de plus en plus de séquences, de dialogues du titre, à se souvenir de ce panorama magnifique découvert au détour d'une chasse et de ce faucon qu'on a surpris chassant un lapin dans une prairie, à avoir le coeur brisé par l'agonie d'une biche qu'on a raté ou à rire des plaintes de lumbago de l'Oncle au camp, et au final, longtemps après éteint la console, se souvenir des flots d’émotions transmis par Arthur Morgan, Lenny, John Marston, Dutch Van Der Linde, Abigail, Sadie... et se dire que finalement, quelques lourdeurs de gameplay et des limites débiles dans les missions, ça pesait bien peu lourd face à l'ultime chevauchée de notre héros dans cet Ouest sauvage condamné à disparaître, comme la bande Van Der Linde.
La marque d’un titre unique, qui décevra les amateurs d’action rapide, de gameplay réactif, mais enivrera les amateurs d’histoire profonde et de monde captivant, un brin contemplatifs, qui sauront lui pardonner son gameplay dirigiste en retard d’une génération. S’il ne dépasse pas
Red Dead Redemption, mieux équilibré et moins punitif envers le joueur, il peut se tenir à ses côtés la tête haute, et peu de jeux peuvent s’en vanter !
Graphismes : 10/10
3 ans après sa sortie,
Red Dead Redemption II reste le plus beau jeu au monde, absolument époustouflant à tous les niveaux : qualité des textures, finesse des lumières, beauté des effets météo et aquatique, réalisme des animations et routines des personnages, variété des environnements et des créatures, quantité des détails, crédibilité du cheval, perfection du moteur physique Euphoria, le tout avec très peu de clipping ou d'aliasing… Même sur PS4 fat, le jeu est irréprochable à ce niveau, si ce n’est qu’il fait bien souffler le ventilateur de la console ! Evidemment, la version PC est encore supérieure grâce à ses textures encore plus précises.
Musiques/bruitages : 10/10
La bande-son dans son ensemble est à la mesure des graphismes : un sans-faute absolu. Les doubleurs anglais sont extrêmement convaincants, les bruitages criants de réalisme, et la musique évolutive est bien choisie. Discrète et éthérée lors de l’exploration de la carte, elle sait devenir plus rythmée et dramatique lors des scènes d’actions, et les chansons apportent une touche supplémentaire à l’ensemble.
Gameplay : 6/10
C’est sans doute le point faible du jeu : ses 8 ans de développement pèsent sur sa maniabilité et son ergonomie. En détaillant tout à l’extrême, Rockstar pèche par excès et rend le personnage rigide, parfois peu maniable, avec une lenteur parfois agaçante. Le système économique est également très injuste, et on ne peut pardonner que les missions soient autant dirigistes et cloisonnées, alors qu’on a un vaste monde ouvert à disposition. On regrettera également que les capacités de jeu se débloquent si lentement, parfois sans justifications réelles (genre la pêche : vous ne pourrez pas pêcher avant la mission dédiée à son tutoriel, alors qu'Arthur a la canne dans sa sacoche, Duh!). Reste à côté de ça des mécaniques de déplacement et combat plutôt efficaces, la dimension roleplay plus accentuée qu'avant, une grande richesse des possibilités de jeu qui fonctionne bien, les à-côtés plutôt sympas, la récompense de la curiosité du joueur et tout ce qui tourne du cheval.
Histoire : 9/10
Red Dead Redemption II peut se targuer d’être à la hauteur de son glorieux prédécesseur. Arthur Morgan est un héros extrêmement charismatique et attachant, et on se prend d’affection rapidement pour la bande de Van Der Linde, surtout en connaissant le destin tragique qui attend les membres. Si le démarrage est un peu trop long, et que le chapitre 5 est gâché, il n’empêche qu’à partir du chapitre 3, il est très difficile de lâcher la manette et le final tirera facilement quelques larmes aux plus sensibles. L’Epilogue est également une bonne idée. Saluons au passage la mise en scène des cut-scenes, une vraie leçon de cinéma virtuelle.
Durée de vie : 8/10
Avec sa centaine de missions principales, ses quêtes annexes courant sur plusieurs chapitres, les quelques variations possibles selon l’Honneur du joueur, et ses multiples activités pour passer le temps,
Red Dead Redemption II vous occupera une bonne quarantaine d’heures au minimum, et sans doute facilement le double si vous voulez tout faire à 100 %. Et si comme moi, vous appréciez de simplement vous perdre dans son monde virtuel pour l’admirer, et en chercher les détails, failles et Easter Eggs, il ne sera pas bien difficile de dépasser les 100 heures. Dommage qu’on ressente parfois une sorte de remplissage inutile, par la fragmentation à outrance des missions du scénario, qui crée une sensation de rallongement forcé de l'intrigue.
Note Globale : 18/20
Pour la bonne bouche, voici un aperçu des possibilités annulées trouvées dans le code du jeu :

- un membre du gang, Eliza, servant de deuxième love interest
- la région de Guarma accessible à loisir, avec des missions, Inconnus, camp, boutiques dédiés
- l’élevage de bétail
- un service de taxi fluvial
- un monstre marin
- près d’une douzaine d’amulettes (quelques-uns sont réapparues dans le online depuis)
- Arthur devait pouvoir se rendre à New Austin en cours de partie
- l’achat de propriétés
- le prologue original du jeu devait voir la mort du nourrisson d’Arthur (cela a été changé à la demande des doubleurs), et sans doute plus de poursuite des Pinkerton
- une bonne quantité de tenues et armes supplémentaires
- les loups étaient capables de pister silencieusement le joueur
- près d’une dizaine de missions annexes ou principales supplémentaires (dont une entourant la célèbre Princesse Isabeau)
- un perroquet parlant
- plusieurs animaux légendaires supplémentaires
et la liste est encore longue…